Cher cousin
Il y a déjà plusieurs mois que j’ai commencé à te raconter l’histoire du charnier de Vilnius, celle de ta mort et de celle de plusieurs dizaines de milliers de soldats de la Grande Armée dans la capitale de la Lituanie en décembre 1812, la découverte de vos squelettes à l’automne 2001 et leur identification grâce à une pièce de cinq francs en argent et à une cocarde en cuir.
Cette découverte, ce sera pour nous la relance d’une quête familiale. Et pour les chercheurs français qui vont très vite se rendre sur place, un rendez vous avec le passé qu’ils n’oublieront sans doute jamais.
D’autant que ce qu’ils vont découvrir dans les trois fosses étudiées, les « Plotas » 1, 2 et 3, va dépasser leurs espérances.
Au cours d’une conférence donnée en décembre 2009 aux Invalides, Thierry Vette du Musée de l’Armée, parlera avec émotion d’un "miracle en matière d’uniformes". Un miracle grâce à 10.000 boutons en cuivre, je dis bien en cuivre, cher cousin, ceux en étain n’ont pas résisté aux conditions climatiques. Ces 10.000 boutons, en cuivre j’insiste, ont permis le sauvetage de très nombreux vestiges d’uniformes car leur oxydation "en contaminant les fibres, a écarté les micro-organismes voraces" comme l’explique le même Thierry Vette dans Les oubliés de la retraite de Russie.
En plus des boutons, 4000 pièces liées à vos uniformes ont été découverts; la plus belle, un vestige de dolman qui appartenait (peut-être) à un maréchal de logis de l’artillerie à cheval de la garde. Le seul homme de ce grade déclaré mort à Vilnius s’appelait Joseph Barbier, il venait de Haute Marne. A-t-il encore de la famille ?
Mais il y avait aussi des lambeaux d’uniformes à la hussarde dont des parties de tenues d’officier, un gilet et une pelisse, des portions de vestes de l’infanterie, des morceaux de guêtres, des restes de chaussettes, trois bottes avec leurs semelles complètes, mais aussi des chaussures où on distingue encore l’empreinte des pieds de ceux qui les portaient il y a presque deux cents ans.