Dans cette famille,
il y a un notable, un rentier assez riche pour l’époque, François Xavier Castrique Castrique, qui jouera un
rôle posthume dans la fin de cette histoire.
François Louis Vandevoorde est leur premier enfant. Ils en
auront d’autres qui mourront en bas-âge.
En 1797, il perd sa mère.
Conscrit de 1807, il
rejoint le dépôt du 21e de ligne, à
Juliers en Rhénanie, le 21 février. Il
n’a pas encore vingt ans. Il est parti
de Lille avec d’autres conscrits du Nord dont Georges Dujardin, qui a le
même âge mais vient de Hem, canton de
Lannoy et dont nous reparlerons.
Le soldat Vandevoorde obtient le numéro de matricule 5559.
Le registre précise sa profession; chaudronnier et son signalement; 1,66m,
visage « ovale gravé » ou « mal gravé? », front
haut, yeux brun, nez aquitain, bouche moyenne, menton plat, sourcil brun,
cheveux & ?
Sur le portrait, il porte un petit bouquet bleu. Pour sa
fiancée?
Son premier acte
militaire a peut-être été de manœuvrer avec le 21ème Régiment de Ligne, sous
les ordres de Napoléon, en présence de l’empereur de Russie et du roi de Prusse
quelques jours avant la signature du Traite de Tilsit en juillet 1807.
Il participe aussi à la bataille d'Eckmühl le 22 avril 1809
en Bavière. A la suite de cette victoire,
le Maréchal Davout, qui dirigeait
le 3ème corps auquel appartenait le 21ème Régiment de Ligne, a été nommé
prince d’Eckmühl. Et il a reçu l’ordre de suivre l’ennemi puis d’occuper le nord de l’Allemagne. Puis à la bataille d'Essling qui mit aux prises les troupes françaises et
autrichiennes près de Vienne du 20 au 22 mai 1809. Enfin à la bataille de
Wagram, encore une victoire, autour de l’île de Lobau sur le Danube les 5 et 6
juillet 1809. C’est là que Georges Dujardin est blessé à la jambe gauche.
En janvier 1811, le 21ème de ligne tient garnison à
Magdebourg. C’est à cette époque qu’il déserte selon le registre du régiment.
Il ne réintégrera son régiment que le 25 septembre, sans que des sanctions
soient portées au registre du régiment. Mais il a désormais le matricule
Le 29 février, c’est le grand départ : la division
Gudin qui appartient au 1er corps de la Grand Armée passe l’Elbe et marche vers
l’est, de l’Oder à l’Elbe, de l’Elbe à la Pregel, de la Pregel au Niemen
qu’elle est la première division à franchir selon l’historique du
régiment.
Après Vilnius, la
division passe de la responsabilité de
Davout à celle de Murat. Elle ne retrouve le 1er corps que le 15 août et sera
engagée dans toutes les grandes batailles…
Quand le père de François Louis Vandevoorde meurt en 14
février 1814, il n’a pas revu son fils
dont il n’a aucune nouvelle. Le rentier d’Armentières s’éteint quelques mois
plus tard. François Louis, seul
représentant « vivant » de sa famille puisqu’il n’est pas
officiellement mort, est l’un des héritiers.
En novembre 1814, sa part de l’héritage Castrique
s’élève à 846,76 francs. Et un lot
d’argenterie acquis par tirage au
sort : deux services, de petites et de grandes cuillères et un objet dont
je n’ai pas réussi à déchiffrer le nom. De son père, il aurait dû recevoir la
somme de 1000 francs, résultat de « la vente publique de son appartement
d’une seule pièce rue Lepelletier à Lille ».
Au moins trois curateurs sont chargés de défendre ses
droits. A chaque partage, il est précisé qu’il pourrait revenir. Mais il ne
reviendra jamais.
Pour récupérer ces deux héritages, la famille va multiplier
les démarches. En avril 1822, elle saisit le ministère de la guerre par
l’intermédiaire du comte de Muyssart, député du Nord. Puis à nouveau en 1824.
Cette fois c’est Louis Mélino* - qui a épousé en 1821 l’une des cousines de
François Louis, Catherine Thérèse
Ribeyre, qui a écrit.
Le 13 décembre 1824, le chef du bureau des Lois et Archives,
lui répond que François Louis Vandevoorde est « resté en arrière dans la
Retraite de Russie le 6 décembre 1812 » et qu’on « n’a trouvé dans
les bureaux aucun acte de décès applicable au sieur Vandevoorde ».
Dans l’intervalle, le 1er juillet 1822, son nom figure
dans l’Etat des déclarations et des
demandes adressées à Mr le Garde des Sceaux pour faire déclarer l’absence ou
constater le décès des militaires** qui sera publié par le Moniteur le 5 du
même mois, et transmis au procureur du Roy le 24 mai 1823.
Mais il faudra attendre 1825 pour qu’il soit officiellement
déclaré mort.
Siégeant le jeudi dix
mars 182 ; le tribunal de Lille a considéré « qu’il est prouvé par
l’enquête en date du 24 février dernier, enregistré le 2 mars du présent mois
que François Louis Vandevoorde est mort par suite de ses blessures à Wilna le 8 décembre 1812 ». Il avait 25 ans.
L’enquête ? Sans doute le témoignage de Georges
Dujardin*** qui a reçu 25 francs payé par Louis Mélino « pour avoir donné
tous les renseignements possibles sur la mort de François Louis
Vandevoorde ».
On ne sait pas comment Louis Mélino et Georges Dujardin sont
entrés en contact. Peut-être par de petits journaux d’annonces gratuites.
L’avis de décès est enregistré le 24 mars 1825 à l’état-civil de la mairie de
Lille. C’était l’épilogue de cette histoire jusqu’à la mise au jour d’un charnier à Vilnius en octobre 2001. Où a
été découvert un shako qui aurait pu être le sien…
* Né en 1821, Louis Mélino n’avait que trois années d’écart
avec François Louis Vandevoorde. Leurs mères travaillaient dans la petite rue
des Arts à Lille, l’une couturière, l’autre dentellière. Ils se connaissaient
peut-être. Il est devenu un graveur célèbre à l’époque. Ses œuvres ont même été
exposées dans une exposition consacrée à l’Imagerie de Lille présentée du 13
février au 14 mai 1958 au Musée des arts et traditions populaires du Palais de
Chaillot. Il pourrait être l’auteur du
petit portrait.
** La déclaration d’absence était une procédure prévue par
le Code Napoléon depuis mars 1803 qui permettait notamment de régler les
litiges liés aux personnes disparues. Elle avait été simplifiée pour les militaires en janvier 1817.
*** Georges Dujardin a été fait prisonnier par les Russes.
Il est rentré de captivité en décembre 1814. Quatre ans plus tard, de retour
chez lui il se marie. Il aura six filles. Georges Dujardin est mort le 3 juin
1868 à Roubaix : Il allait avoir 81 ans quand il est mort à Roubaix le 3 juin 1868. Il n’a jamais réclamé la médaille de Sainte
Hélène ni laissé de récit : il n’a jamais su ni lire ni écrire.