FLV en bref

François Louis Vandevoorde est né à Lille le 8 mars 1787. Son père est chaudronnier, sa famille est installée dans cette ville depuis plusieurs générations. Sa mère, Claire Bernardine Ribeyre est dentellière. Elle est la première enfant de Christophe Ribeyre – né à Moissac dans le Cantal – qui vit à Armentières avec son épouse Scholastique Castrique.  Ils se sont mariés le  27 mai 1786.

 Dans cette famille, il y a un notable, un rentier assez riche pour l’époque, François  Xavier Castrique Castrique, qui jouera un rôle posthume dans la fin de cette histoire. 

François Louis Vandevoorde est leur premier enfant. Ils en auront d’autres qui mourront en  bas-âge. En 1797, il perd sa mère.

 Conscrit de 1807, il rejoint  le dépôt du 21e de ligne, à Juliers en Rhénanie,  le 21 février. Il n’a pas encore vingt ans. Il est parti  de Lille avec d’autres conscrits du Nord dont Georges Dujardin, qui a le même âge mais vient de  Hem, canton de Lannoy et dont nous reparlerons.

Le soldat Vandevoorde obtient le numéro de matricule 5559. Le registre précise sa profession; chaudronnier et son signalement;  1,66m,  visage « ovale gravé » ou « mal gravé? », front haut, yeux brun, nez aquitain, bouche moyenne, menton plat, sourcil brun, cheveux & ?

Sur le portrait, il porte un petit bouquet bleu. Pour sa fiancée?

Son  premier acte militaire a peut-être été de manœuvrer avec le 21ème Régiment de Ligne, sous les ordres de Napoléon, en présence de l’empereur de Russie et du roi de Prusse quelques jours avant la signature du Traite de Tilsit en juillet 1807.

Il participe aussi à la bataille d'Eckmühl le 22 avril 1809 en Bavière. A la suite de cette victoire,  le Maréchal Davout, qui dirigeait  le 3ème corps auquel appartenait le 21ème Régiment de Ligne, a été nommé prince d’Eckmühl. Et il a reçu l’ordre de suivre l’ennemi puis d’occuper  le nord de l’Allemagne. Puis à la  bataille d'Essling  qui mit aux prises les troupes françaises et autrichiennes près de Vienne du 20 au 22 mai 1809. Enfin à la bataille de Wagram, encore une victoire, autour de l’île de Lobau sur le Danube les 5 et 6 juillet 1809. C’est là que Georges Dujardin est blessé à la jambe gauche.

En janvier 1811, le 21ème de ligne tient garnison à Magdebourg. C’est à cette époque qu’il déserte selon le registre du régiment. Il ne réintégrera son régiment que le 25 septembre, sans que des sanctions soient portées au registre du régiment. Mais il a désormais le matricule le 5085.

Le 29 février, c’est le grand départ : la division Gudin qui appartient au 1er corps de la Grand Armée passe l’Elbe et marche vers l’est, de l’Oder à l’Elbe, de l’Elbe à la Pregel, de la Pregel au Niemen qu’elle est la première division à franchir selon l’historique du régiment. 

Après Vilnius,  la division  passe de la responsabilité de Davout à celle de Murat. Elle ne retrouve le 1er corps que le 15 août et sera engagée dans toutes les grandes batailles…

Quand le père de François Louis Vandevoorde meurt en 14 février 1814,  il n’a pas revu son fils dont il n’a aucune nouvelle. Le rentier d’Armentières s’éteint quelques mois plus tard.  François Louis, seul représentant « vivant » de sa famille puisqu’il n’est pas officiellement mort, est l’un des héritiers.

En novembre 1814, sa part de l’héritage Castrique s’élève  à 846,76 francs. Et un lot d’argenterie acquis  par tirage au sort : deux services, de petites et de grandes cuillères et un objet dont je n’ai pas réussi à déchiffrer le nom. De son père, il aurait dû recevoir la somme de 1000 francs, résultat de « la vente publique de son appartement d’une seule pièce rue Lepelletier à Lille ». 

Au moins trois curateurs sont chargés de défendre ses droits. A chaque partage, il est précisé qu’il pourrait revenir. Mais il ne reviendra jamais.

Pour récupérer ces deux héritages, la famille va multiplier les démarches. En avril 1822, elle saisit le ministère de la guerre par l’intermédiaire du comte de Muyssart, député du Nord. Puis à nouveau en 1824. Cette fois c’est Louis Mélino* - qui a épousé en 1821 l’une des cousines de François Louis,  Catherine Thérèse Ribeyre,  qui a écrit.

Le 13 décembre 1824, le chef du bureau des Lois et Archives, lui répond que François Louis Vandevoorde est « resté en arrière dans la Retraite de Russie le 6 décembre 1812 » et qu’on « n’a trouvé dans les bureaux aucun acte de décès applicable au sieur Vandevoorde ».

Dans l’intervalle, le 1er juillet 1822, son nom figure dans  l’Etat des déclarations et des demandes adressées à Mr le Garde des Sceaux pour faire déclarer l’absence ou constater le décès des militaires** qui sera publié par le Moniteur le 5 du même mois, et transmis au procureur du Roy le 24 mai 1823.

Mais il faudra attendre 1825 pour qu’il soit officiellement déclaré mort.

Siégeant le  jeudi dix mars 182 ; le tribunal de Lille a considéré « qu’il est prouvé par l’enquête en date du 24 février dernier, enregistré le 2 mars du présent mois que François Louis Vandevoorde est mort par suite de ses blessures à Wilna  le 8 décembre 1812 ». Il avait 25 ans.

L’enquête ? Sans doute le témoignage de Georges Dujardin*** qui a reçu 25 francs payé par Louis Mélino « pour avoir donné tous les renseignements possibles sur la mort de François Louis Vandevoorde ».

On ne sait pas comment Louis Mélino et Georges Dujardin sont entrés en contact. Peut-être par de petits journaux d’annonces gratuites. L’avis de décès est enregistré le 24 mars 1825 à l’état-civil de la mairie de Lille. C’était l’épilogue de cette histoire jusqu’à la mise au jour  d’un charnier à Vilnius en octobre 2001. Où a été découvert un shako qui aurait pu être le sien…

* Né en 1821, Louis Mélino n’avait que trois années d’écart avec François Louis Vandevoorde. Leurs mères travaillaient dans la petite rue des Arts à Lille, l’une couturière, l’autre dentellière. Ils se connaissaient peut-être. Il est devenu un graveur célèbre à l’époque. Ses œuvres ont même été exposées dans une exposition consacrée à l’Imagerie de Lille présentée du 13 février au 14 mai 1958 au Musée des arts et traditions populaires du Palais de Chaillot.  Il pourrait être l’auteur du petit portrait.

** La déclaration d’absence était une procédure prévue par le Code Napoléon depuis mars 1803 qui permettait notamment de régler les litiges liés aux personnes disparues. Elle avait été  simplifiée pour les militaires  en janvier 1817.

*** Georges Dujardin a été fait prisonnier par les Russes. Il est rentré de captivité en décembre 1814. Quatre ans plus tard, de retour chez lui il se marie. Il aura six filles. Georges Dujardin est mort le 3 juin 1868 à Roubaix : Il allait avoir 81 ans quand il est mort à Roubaix  le 3 juin 1868.  Il n’a jamais réclamé la médaille de Sainte Hélène ni laissé de récit : il n’a jamais su ni lire ni écrire.