lundi 7 juin 2010

Aux archives de la mairie de Lille

Cher Vandevoorde,
Dans les couloirs des sous-sols de la mairie de Lille, où sont installées les archives municipales, s’entassent encore les bulletins des élections européennes. C’est le fief de Martine Aubry, le maire de la capitale du nord, le leader du PS, le principal parti de l’opposition. Et pour ce parti, cette élection a été une catastrophe, on a même parlé de la «Bérézina du Parti socialiste». Toi qui a franchi la Bérézina avec ce qui restait de ton régiment, qui a vu les corps des soldats emportés par les flots gelés, doit juger incroyable l’application de ce terme à notre vie politique, brutale parfois mais mortelle très rarement.

 Mais revenons aux archives municipales de Lille. Des dossiers bien classés sur les étagères, actes de naissances, de décès, de mariages classés par paroisse jusqu’en 1792, et il me faudra moins de dix minutes pour trouver ton acte de naissance.

 Les recherches pour ton acte de décès seront plus longues. Rien en tout cas dans les registres de 1812. Cher Vandevoorde, puisque selon le ministère de la guerre, tu es «resté en arrière » ou « présumé égaré », tu n’es pas officiellement mort. Avec ton acte de naissance, les noms de ton père et de ta mère. Née le 23 mai 1755 à Armentières, de quelques mois plus âgée que ton père, Claire Bernardine Ribeyre est la première enfant de Christophe Ribeyre – né à Moissac - et de Scholastique Castrique.
Ton père est un enfant de Lille. La naissance et le baptême de Jacques-Joseph Vandevoorde sont enregistrés le 31 janvier 1756. Comment la jeune fille d’Armentière et le chaudronnier de Lille se sont-ils rencontrés ? L’histoire ne le dit pas. Mais ton père exerçait la même profession que ton grand-père. Peut-être se connaissaient-ils professionnellement.

Ils se marient le 27 mai 1786. Et leur premier enfant, moins d’un an plus tard, c’est toi. Ton acte de naissance précise que tu es né le 8 mars 1787 à "cinq heures et demy" du soir et que Christophe Ribeyre est ton parrain. Puis naitra le 11 octobre 1788, une petite sœur avec laquelle tu n’auras pas l’occasion de jouer : Scholastique Sophie Vandevoorde va mourir à l’âge de six semaines. Décès déclaré par ton père et Antoine Joseph Jouveniau. Tes parents auront deux autres enfants. Sophie Joseph, née le 1er octobre 1789, ne vivra que huit jours. Deux fossoyeurs Antoine et Christophe Jouvenaux qui «ont déclaré ne savoir écrire» viendront en mairie déclarer son décès. Tes parents ne se sont pas déplacés; terrassés par le chagrin ? Ou comme l’explique Jean Tulard dans «La vie quotidienne des Français sous Napoléon», parce qu’à l’époque, les familles se résignaient à la mort des enfants avec fatalité, et que leur disparition n’était pas vécue comme un grand malheur.
Né le 9 janvier 1791, ton dernier frère, Henri Joseph va t’accompagner pendant presque deux ans, avant de disparaitre à son tour. En décembre 1792, à quelques jours de Noël, ton père qui est alors ouvrier chaudronnier et son patron, Charles-Joseph Daniel, « chaudronnier patenté » iront ensemble, en mairie, déclarer son décès. Tu n’as que cinq ans. Et puis il y a la naissance mystérieuse en mars 1788 d’une petite Thérèse-Joseph Vandevoorde. Une enfant « illégitime » selon l’inscription illisible du registre mais que je n’ai pu me résoudre à effacer. Même si elle n’apparaitra plus ensuite, ni dans les papiers de famille, ni dans les registres de décès.


Tu n’as que cinq ans et tu as déjà perdu tous tes frères et sœurs. Et à dix ans, tu verras mourir ta mère, le douze germinal de l’an 6 de la République, à 10h matin selon l’acte de décès de Claire-Bernadine Ribeyre. Pour les uns comme pour les autres, aucune précision sur les causes de ces décès.