jeudi 8 juillet 2010

Bousculade mortelle porte de l’Aurore

Cher Vandevoorde,
En lituanien, elle s’appelle Aušros vartai, la porte de l’Aurore. C’est l’une des portes de Vilnius. Comme tu peux le voir sur ces photos prises cet été, elle a peu changé en presque 200 ans. Elle est toujours aussi étroite. Le 9 décembre 1812, des centaines, peut-être des milliers de rescapés de la Bérézina, s'y sont précipités pour entrer dans la ville. Un choix qui s'est révélé fatal pour beaucoup d'entre vous.
La porte de l'Aurore en juillet 2010
Pour mieux comprendre, trois témoignages cités dans «Les oubliés de la retraite de Russie».


Dans son « Histoire de Napoléon et de la Grande Armée pendant l’année 1812 » publié en 1824, le général de Ségur, qui était lui aussi dans Vilna, raconte que «tous s’engouffrèrent dans son faubourg, tête baissée, poussant obstinément devant eux, et s’y entassant avec une telle opiniâtreté, que bientôt ils n’y formèrent plus qu’une masse d’hommes, de chevaux et de chariots, immobile et incapable de mouvement. Le dégorgement de cette foule par un étroit passage devint presque impossible. Ceux qui suivaient, guidés par un stupide instinct, s’ajoutaient à cet encombrement, sans songer à pénétrer dans la ville par ses autres issues car il en existait. Pendant dix heures, des milliers de soldats qui se croyaient sauvés, tombèrent ou gelés ou étouffés…»

Le colonel Griois, du 4ème régiment d’artillerie à cheval en a gardé le souvenir d'une «horrible confusion»: «C’était, dans un cadre plus étroit, le passage de la Bérézina, et je me rappelle qu’en voyant la longue voûte de cette porte encombrée d’hommes et de chevaux que la foule renversait et étouffait, j’aurais donné tout au monde pour en être encore loin."


Conclusion de Kausler, d'après les notes de Faber du Faur, un officier d’artillerie luxembourgeois qui a laissé de nombreuses esquisses de la Retraite de Russie:
« Des milliers périrent sous les portes de la ville, victimes de cette presse affreuse ou d’un froid horrible. Ici comme à la Bérézina, on foule aux pieds les morts et les vivants…»

Est-ce ici que tu es mort, Vandevoorde?
Ou alors as-tu réussi à suivre Davout? Dans son livre sur la campagne de Russie, l’américain Curtis Cate raconte que «se séparant de la foule enragée, Davout et plusieurs de ses généraux trouvèrent deux échelles et pénétrèrent dans la ville en escaladant des murs de jardins...»