vendredi 2 juillet 2010

"Il neigeait"

Cher Vandevoorde,
A ce moment du récit, alors que commence la terrible Retraite de Russie, ce sont ces quelques vers de Victor Hugo, extrait de L'expiation écrit en 1852, qui viennent à l'esprit de la plupart des Français.
« Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
Pour la première fois l'aigle baissait la tête.
Sombres jours ! l'empereur revenait lentement,
Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.
Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche.
Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
Hier la grande armée, et maintenant troupeau. »

"Et ne trouvent aucun repos, même pendant la nuit."
Dans son «Histoire de Napoléon » publié en 1839, Jacques Marquet de Montbreton de Norvins consacre de nombreuses pages à cette retraite:
«La neige tombe en abondance, un vent impétueux souffle, et couvre l’horizon d’un brouillard épais et sombre" écrit M. de Norvins. "Parmi les hommes, les uns, engourdis et glacés, cèdent au sommeil qui donne la mort, les autres sont désarmés par la faim qui ôte la force d’agir, et par la rigueur intolérable du froid qui gèle leurs mains. Ceux qui peuvent encore se servir de leur fusil ont à dissiper des nuées de cosaques pendant le jour, et ne trouvent aucun repos, même pendant la nuit » .

Mais c'est peut-être le terrible témoignage du général de Ségur dans son "Histoire de Napoléon et de la Grande Armée en 1812" publié en 1824 qui a inspiré Victor Hugo:
«Plus de fraternité d’armes, plus de société, aucun lien ; l’excès des maux avait abruti. La faim, la dévorante faim avait réduit ces malheureux à cet instinct brutal de conservation, seul esprit des animaux les plus farouches, et qui est prêt à tout sacrifier : une nature âpre et barbare semblait leur avoir communiqué sa fureur. Tels que des sauvages, les plus forts dépouillaient les plus faibles : ils accouraient autour des mourants, souvent ils n’attendaient pas leurs derniers soupirs. Chef ou compagnon, si l’on tombait à coté d’eux, c’était vainement qu’on les appelait à son secours, on n’en obtenait même pas un regard. Toute la froide inflexibilité du climat était passée dans leurs cœurs ; sa rigidité avait contracté leurs sentiments comme leurs figures».

Depuis Moscou, cette retraite, c’est pour toi et tes camarades, un combat de chaque jour. Le 1er corps de Davout est à l'arrière-garde. Et lui aussi n’échappe pas à la débandade comme le raconte, dans l’historique du Régiment, le capitaine Hervieu: « Après une marche lente et douloureuse où les soldats jetaient leurs armes, où les canons étaient abandonnés faute d’attelage, où les vivres et les munitions manquaient à la fois, l’armée arriva enfin à Smolensk ». L’espoir ne sera que de courte durée. Et Smolensk va rester comme « le théâtre des plus effroyables désordres dans la distribution des vivres » raconte encore de Norvins.
Davout y était entré le 10, y resta jusqu’au 16. Il n’avait plus de cavalerie. Dans les multiples engagements de la bataille de Krasnöe, il va même perdre ses affaires personnelles et son bâton de maréchal. Le 1er corps a échappé de justesse à l’anéantissement.
Napoléon traversant la Bérézina. Huile sur toile de Janvier Suchodolski
Fin novembre la Grande Armée passe la Bérézina. L’historique du régiment décrit un corps d’armée en ordre, faut-il croire cette version officielle ? « Le corps Davout et ses quatre divisions armés rangés autour de leurs drapeaux et avec leur artillerie passent la Bérézina dans la soirée et s’avança sur le route de Vilna ou il arriva le 9 décembre. »
Le 5, Napoléon était parti pour Paris. Le 12, Davout fit son entrée à Kowno sur le Niemen.
Dans l’intervalle, la tragédie méconnue deVilnius