mercredi 1 décembre 2010

Le partage de l'héritage

Cher cousin
Je t’ai raconté ce que je savais de l’histoire du rentier d’Armentières,  de son testament et de l’inventaire de ses biens.  C’est une affaire qui t’intéresse puisque tu étais l’un de ses héritiers. Alors j’ai continué à suivre cette  piste dans les documents du notaire conservés par les Archives départementales du Nord. Après l’inventaire les 16 et 17 août et la découverte de près de 6000 francs en pièces de toutes sortes, il y a eu la semaine suivante la vente aux enchères des « biens et effets en la maison mortuaire ».  J’ai feuilleté les quelques 60 pages du livret qui retrace cette vente ;  parmi les objets repérés pendant l’inventaire, je peux te dire que  le fusil et le sabre sont partis ensemble  pour 4 francs, la redingote pour 8, le lit de plume pour 25.
Puis  un comptable a été chargé de faire les comptes.
Avec d’abord les recettes :
-  5916 francs  « trouvés en la maison mortuaire »
-  2430,65  francs « produit net de la vente des meubles et effets »
-  90 francs « produit de la vente des herbes de 53 ares de prairies »
- 14,81 « reçus de la locataire pour une demi-année du loyer de sa chambre »
-  30 francs « produit de la vente des fruits du jardin »
-  0,75 « produit de la vente d’une petite échelle »
- et deux remboursements de prêts : 145 + 190 francs.

Ce qui nous fait  8917 francs. Mais il y a aussi des dépenses. Beaucoup de dépenses ; les frais liés aux funérailles, la messe du jour et les autres messes, les rétributions des multiples curés, vicaires et prêtres pour 388 francs. Il faut aussi payer le menuisier pour le cercueil et le fossoyeur pour la fosse, plus 39 francs pour la jeune femme qui a gardé le défunt « pendant les dix derniers jours de la maladie,  et les scellés apposés sur la maison mortuaires », 78 pour les honoraires du médecin, 9 pour la consultation du chirurgien, plus les différents legs prévus par le testament, les contributions et les frais de notaire…et j’abrège, total 1923,44 francs, désolée...

Reste tout de même : 6714, 12. Et là, je te rappelle que le testament prévoyait une répartition par moitié entre la branche paternelle et maternelle.
Ce qui fait 3383,06  pour les descendants de Christophe Ribeyre et Scholastique Castrique, tes grands parents. Mais combien êtes-vous ?  C’est volontairement que je dis « vous », car officiellement, à ce moment là,  tu n’es pas mort. Et bien vous êtes 4, enfin 4 groupes, les descendants de leurs quatre enfants.  
- Louis Ribeyre, chaudronnier à Armentières, qui vivra jusqu’à 74 ans.
- Marie Joseph Ribeyre, dentellière demeurant à Lille, dont j’ai découvert l’existence avec cet héritage.
- Claire Bernardine, ta mère, qui est décédée en 1797. Ton père est mort il y a quelques mois, en  février.  Tu es, tu étais  le dernier de leurs enfants vivants. Il y a donc une part pour toi.
-Enfin une autre pour la famille de Christophe Jacques né en septembre 1759 qui va épouser Angélique Favart. Je pensais qu’ils avaient eu au moins deux enfants, en fait c’était au moins trois. Puisque aux deux filles qui figuraient déjà dans notre arbre généalogique,  Claire et Catherine Thérèse Joseph, la future épouse de Louis Mélino, il faut ajouter Charles Louis Joseph. Et c’est une des dernières surprises de mes recherches. D’abord parce qu’il était lui aussi un militaire « absent ».  Ensuite parce que jusque là, nous n’avions jamais entendu parler de lui. Pourquoi ? J’ai deux hypothèses ; la première, il est rentré et a repris une vie normale, sans attirer plus l’attention. L’autre, il y a eu moins de recherches pour lui que pour toi, sa part d’héritage étant plus petite… Je ne sais pas où il a disparu  ni à quel régiment il appartenait. Mais j’ai une piste, les registres des conscrits d’Armentières…
Mais revenons au partage qui se déroule le 15 novembre. Pour chaque famille,  le quart de 3387,06  francs soit 846,76 francs. Puisque tu es « absent », un curateur a été nommé pour te représenter, il s’appelle Louis Bernier. Il part avec ton argent, et le lot d’argenterie que tu as gagné, par tirage au sort ; deux services, de petites et de grandes cuillères et un objet dont je n’ai pas réussi à déchiffrer le nom. Sous le regard que l’on imagine méfiant des autres héritiers. L’affaire de l’héritage, ton héritage, n’est pas terminée…