mercredi 25 janvier 2012

Un héros très discret

Cher cousin,

Je reprends ma plume pour t’écrire parce qu’il s’est passé un petit évènement qui devrait t’intéresser. Tu n’as bien sûr pas oublié ton ami Georges Dujardin, ce conscrit de Hem, canton de Lannoy qui avait rejoint en même temps que toi le 21e de ligne. Il avait hérité du matricule 5547, toi du 5559. Tu dois te rappeler qu’il avait été blessé à la jambe gauche à Wagram.

A la fin de la Retraite, après le passage de la Bérézina, sans doute à Vilnius, il avait été fait prisonnier par les Russes. Tu n’étais plus là pour le voir mais il avait réintégré le 21ème régiment de ligne en décembre 1814. Ensuite il a dû toucher un arriéré de soldes pour tout le temps de la captivité et trois de gratifications comme l’avait décidé Louis XVIII.



Je t’ai déjà parlé du petit reçu qu’il a signé d’une croix au printemps 1825 après avoir été payé 25 francs "pour avoir donné tous les renseignements possibles sur la mort de François-Louis Vandevoorde". Ce qui avait permis à la famille de faire enregistrer ton acte de décès.

Dans l’intervalle, en 1818, Georges Dujardin de retour à Hem s’était marié. De cette union dont je t’ai déjà parlé avec Henriette Lorthioir sont nées six filles : Catherine Joseph, Victoire Joseph, Sophie Joseph, Joséphine Charlotte, Virginie Appoline et la dernière en novembre 1839, Clémence Adélaïde.

Et bien le descendant d’une de ses filles, Joséphine a pris contact avec moi.

Toi qui devais bien le connaitre, tu ne seras sans doute pas surpris que ton ami Georges semble ne pas s’être vanté de sa formidable histoire. Il n’a même pas réclamé la médaille de Sainte-Hélène instaurée par décret en 1857 pour honorer les militaires des armées de Napoléon.

En 1869, le corps législatif avait même décidé de créer une pension militaire pour les vétérans. En 1870 ils étaient encore plus de 43.000 à en bénéficier. Dix ans plus tard ils étaient encore 4000. Georges Dujardin est décédé le 3 juin 1868 à Roubaix : il allait avoir 81 ans. Il n’y a pas de trace d’un récit qu’il aurait pu dicter, lui-même ne sachant pas écrire. Peut-être qu’il préférait oublier.